Hévéicole cambodgien

Cette page retrace l’histoire hévéicole du Cambodge.

Le Cambodge abritait les plus belles plantations d’hévéa du sud-est asiatique jusqu’à la fin des années 1960. Les premières plantations avaient été introduites par 5 sociétés françaises dans les années 20 dans la province de Kampong Cham. C’est dans ce pays qu’ont été réalisés les principaux progrès technologiques mondiaux de l’industrie hévéicole, en termes de rendement. Le climat, et surtout les terres rouges basaltiques de l’est du pays sont toujours réputés les meilleurs au monde pour cette culture. En 1969, les surfaces plantées s’élevaient à 70 000 ha pour une production de 52 000 tonnes de caoutchouc, totalement exportées, contre environ 90 000 ha et une production de 30 000 tonnes actuellement.




L’évolution de la filière hévéïcole cambodgienne a été marquée par une succession de périodes très contrastées.

La production a ensuite connu une longue période de régression, tout d’abord due à la guerre, au début des années 70, puis au régime des khmers rouges. En 1979, la production avait chuté à moins de 10 000 tonnes.

Le régime socialiste qui a suivi a procédé à la relance des plantations en les nationalisant tandis que les plantations villageoises furent confiées aux Provinces. A partir de 1985, les sociétés publiques de production de caoutchouc naturel ont acquis une autonomie croissante de gestion. En 1993, la production était remontée à 43 000 tonnes.

La libéralisation progressive de la filière s’est poursuivie, dans la décennie 1990, avec la transformation des sociétés d’Etat en Etablissements publics à caractère économique (EPE), dotées d’une large autonomie de gestion en 1996. Cette politique d’ouverture a permis d’encourager dans les années 2000 un début de développement des plantations familiales et la libéralisation de la commercialisation et de l’exportation du caoutchouc, permettant à un secteur privé de s’implanter dans ces activités.

Il existe au Cambodge quatre types de plantations début 2008 :

  1. Les plantations industrielles nationalisées au cours des années 80 et désormais réparties entre 5 établissements d’Etat (EPE) en cours de privatisation, ainsi que les plantations de l’IRCC (Institut de recherche cambodgien sur le caoutchouc);
  2. Les plantations industrielles d’Etat gérées par des privés : plantations de Tapao et de Labansiek ;
  3. Les plantations privatisées en 2007 (ex-EPE) ;
  4. Les plantations privées qui regroupent les plantations familiales de petite taille (moinsde 5 ha) mais aussi des plantations plus importantes (plus de 100 ha).Production, transformation et exportation

    Production

    La production actuelle s’élève à 35 000 tonnes environ (contre 43 000 tonnes en 1993), ce qui représente moins de 1% de la production mondiale. Toutefois, les importantes surfaces de plantations immatures (53 %), et les rythmes de plantations spontanées actuellement constatés, s’ils se maintiennent, vont générer dans les années à venir un développement important de la production. Dans ces conditions, d’après Gergely (2007), la production pourrait quadrupler d’ici 2016.

    Collecte et transformation

    Les unités industrielles transforment essentiellement du latex qu’elles récoltent sur leurs plantations ainsi qu’une partie de la production des plantations familiales environnantes. Elles transforment en minorité du coagulum ou des fonds de tasse (à Chup, 10 % de la production). L’essentiel des 24 000 tonnes produites par ces structures est donc de qualité off latex (TSR 5 et 5L).

    Les plantations familiales commercialisent en majorité le caoutchouc sous forme de coagulum et de fonds de tasse (75 %) auprès de collecteurs privés. Ceux-ci revendent le caoutchouc à des unités de transformation privées ou le font transformer à façon. La production des plantations privées est transformée majoritairement en qualité TSR 10 et 20, issue de coagulum, qui correspondent à 80 % de la demande mondiale. Des quantités marginales sont transformées en feuilles fumées (SSR).

    Le développement de ces circuits de collecte privés à partir de 2004-2005 (infra) a permis d’augmenter la part du prix FOB perçue par le producteur à hauteur de 75 % (contre 63 % en 2005 – Calas, 2005) et de diminuer progressivement la marge des collecteurs (elle s’établit autour de 24 à 33$/t, soit environ 2 % du FOB en 2006, contre 15 % en 2004).

     Part des différents types de caoutchouc produits au Cambodge et valorisation

    *Malaisian Rubber Board

    Source : ADI, 2007.

    La surcapacité de transformation au Cambodge est flagrante : la capacité totale est estimée à environ 160 000 tonnes, surdimensionnée tant pour le secteur public (18 000 tonnes traitées pour une capacité de 63 000 tonnes) que pour les transformateurs privés (16 000 tonnes pour une capacité de 96 000 tonnes) (sources : Gergely, 2007 et ADI, 2007).

    Les coûts de revient de la transformation sont beaucoup plus élevés que dans les pays voisins : ils s’établissaient en 2003 en moyenne à 97 $/t, contre 70 $/t au Vietnam et 60 $/t en Indonésie la même année. La filière cambodgienne est en effet pénalisée par un coût élevé de l’électricité (ADI, 2007).

    Exportation

    La majorité des exportations est réalisée par la frontière vietnamienne en raison de la proximité de celle-ci avec les zones de production. Il devient ainsi beaucoup plus coûteux d’exporter par le port de Sihanouk Ville.

    Le niveau de taxation sur les exports de caoutchouc naturel est très élevé. En effet, une taxe variable est appliquée sur la valeur exportée, en fonction du cours FOB Malaisie : elle est de 2 % jusqu’à 720 $/t, de 5 % entre 720 et 840 $/t et de 10 % au-delà, ce qui correspond à la situation actuelle. Au cours actuel, son poids est d’environ 200 $/t, ce qui représente plus du quadruple des taxes prélevées en Thaïlande (44 $/t). Elle n’est cependant pas systématiquement appliquée aux douanes, en particulier pour les exportateurs privés.

    En outre, ce niveau de taxation est beaucoup plus important que pour les autres produits cambodgiens : il devait à l’origine permettre le développement d’une Industrie de transformation secondaire (pneus), qui n’a jamais vu le jour. La taxe n’est donc pas, pour le moment, réinvestie dans la filière.

    Comme le montre le tableau 2, le caoutchouc cambodgien subit une décote de son prix à l’export, pour diverses raisons.

    Tout d’abord, la majorité des volumes produits sont du TSR 5L, caoutchouc d’excellente qualité mais mal valorisé, puisqu’il ne constitue qu’une faible proportion de la demande mondiale.

    Le caoutchouc cambodgien est en outre défavorisé par l’absence de certification de qualité, reconnue au niveau international. Le caoutchouc exporté, de bonne qualité, est certifié dans les laboratoires vietnamiens et reconditionné pour toucher la plus-value qualité, tandis que le caoutchouc de moins bonne qualité est vendu directement à la frontière chinoise. Un financement PRCC appuie actuellement les laboratoires des différentes compagnies et de l’Institut de Recherche Cambodgien du Caoutchouc (IRCC) pour l’obtention de l’homologation internationale.

    Enfin, les contrats sont négociés par les Compagnies dans des situations de trésorerie tendues qui les amènent à privilégier des conditions de paiement immédiat avec des prix relativement bas.

    Politique du Gouvernement et Perspectives de la Filière

    Organigramme de la filière

    Le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche (MAFP) coiffe, depuis 1994, la Direction générale des plantations d’hévéa (DGPH), et assure, à travers son Inspection générale, la tutelle technique de l’Institut de Recherche Cambodgien du Caoutchouc (IRCC) et des 5 EPE non privatisées. La DGPH, qui dépendait auparavant directement de la primature, a conservé une relative autonomie vis-à-vis du ministère de l’Agriculture: notamment, elle ne partage pas les mêmes locaux. En perdant la tutelle des EPE, la DGPH est aujourd’hui essentiellement chargée du développement des plantations familiales. Le mandat de la DGPH s’est surtout axé sur une fonction de conseil dans le développement de l’hévéaculture. Elle n’a ni le pouvoir ni les moyens de s’instaurer comme chef de file des structures administratives dans ce domaine, rôle que n’assure par ailleurs aucune autre structure, face aux rapides mutations du secteur.

    Les autres directions du MAFP (vulgarisation…) interviennent de fait très peu dans la filière hévéicole. La tutelle de l’Inspection générale sur les EPE est théorique, puisque ces établissements sont largement autonomes.

    D’autres ministères sont directement ou indirectement concernés par le développement de l’hévéaculture :

    • –  le ministère de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de la Construction met en œuvre lapolitique foncière, mais le MAFP gère les domaines agricoles ;
    • –  le ministère de l’Economie et des Finances définit la politique de taxation et recouvre lestaxes à l’exportation ;
    • –  le ministère du Commerce gère les aspects touchant aux normes et aux activités de commercialisation du caoutchouc ;
    • –  le ministère de l’Industrie contrôle les activités d’usinage.Il existe en outre une organisation professionnellenationale, l’Association for Rubber Development in Cambodia (ARDC), qui a pour objectif de promouvoir le développement de la filière et le dialogue politique avec l’Etat. Les membres de l’ARDC sont : les plantations d’Etat; des opérateurs privés (les plantations industrielles, 1 transformateur et 1 exportateur) ; les 4 associations de planteurs villageois existantes.Ces 4 associations ont été créées avec l’appui du GRET sous la responsabilité de la cellule PHF, au sein de la DGPH. Elles regroupent aujourd’hui 700 membres.Une libéralisation récente de la filièreLe poids de l’intervention publique sur le secteur a fortement diminué au cours des années 2000 à la faveur de l’adoption d’un certain nombre de textes législatifs concourant à la libéralisation de la filière.De 2000 à 2006, le gouvernement cambodgien a été conduit à ces changements institutionnels dans le cadre d’un dialogue avec la Banque asiatique de développement (BAsD) sur le secteur agricole3, par un dialogue avec la France sur le secteur del’hévéaculture et, sans doute, par le développement de fait des plantations familiales engagées par le Projet Hévéaculture Familiale financé par l’AFD.Dès 2000, un premier texte autorise les petits planteurs à produire, transformer et commercialiser librement leur caoutchouc : ils restent cependant tenus de vendre aux compagnies d’Etat. Cette situation maintient les prix payés aux planteurs relativement bas, et ne leur laisse pour alternative que la vente illégale de coagulum à des collecteurs vietnamiens qui en offrent un meilleur prix.Un arrêté de juin 2003 autorise ensuite des acteurs privés à transformer les fonds de tasse et le coagulum livrés par des petits planteurs. Cet arrêté a permis le développement d’un secteur privé et la chute des exportations illégales de caoutchouc brut.

      Il faudra attendre une circulaire de juin 2005 pour que les planteurs soient autorisés à vendre leur caoutchouc à tout acheteur. Cette circulaire autorise également la mise en place de points de collecte privés dans les centres de district ou de province, centres de collecte qui doivent être agréés par la DGPH.

      Enfin, les privatisations des 7 établissements publics d’Etat (EPE) ont été entamées en 2007. Ils ont été cédés à des investisseurs cambodgiens.

      Les établissements d’Etat doivent toujours obtenir l’accord systématique de la DGPH sur le prix des contrats d’exportation du caoutchouc transformé. Leur privatisation mettra, de fait, un terme à l’application de cette procédure.

      Concernant la vente du bois d’hévéa, le vendeur doit obtenir une autorisation cosignée par la DGPH, le ministère de l’Agriculture et le ministère du Commerce. Bien que ces démarches soient contraignantes, elles ne semblent pas restreindre les échanges.

      Source :

      L’appui à l’hévéaculture familiale

      Jocelyne Delarue, division Évaluation et capitalisation, AFD Naomi Noël, division Agriculture et développement rural, AFD

      Département de la Recherche

      Capitalisation sur l’expérience de l’AFD Etude de cas : Rapport Cambodge – Mars 2008

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